Dans le cadre du marché de Noël à Saint-Amarin ( 68 )
et en bonne collaboration avec l'U.E.V.

CONTE DE NOEL

Dimanche 17 décembre 2006

***

 

KATZEN ET CHARBONNIERS

C’était au temps où les charbonniers travaillaient dur dans la montagne d’Hintererwald, de Neueurbetwald et d’Eichberg : des pans entiers de forêt étaient abattus pour être montés en meules hautes afin de produire le charbon. Les hivers étaient rudes et, si le travail ne manquait pas pour ces pauvres bougres, ils ne recevaient que maigre salaire. Aussi étaient- ils conduits à prendre avec eux leurs enfants : au moins ceux-ci pouvaient-ils se réchauffer à tirer et porter bûches et grosses banches et à s’approcher des meules de bois se consumant…

Ensemble ils partageaient quelques « pommes noires » cuites sous la cendre. Plus rarement ils grillaient des saucisses ou des tranches de lard que la mère avait façonnées à l’automne, une fois le cochon tué.

Un soir, sur le sentier pentu du retour, ils découvrirent dans la nuit tombante trois paires d’yeux brillants qui les scrutaient et semblaient vouloir absorber à la fois leurs peurs et leurs pauvres visages qui grimaçaient et tremblaient… Les loups ? Non, les yeux étaient plus vifs, ils montraient une plus grande avidité… Les lynx, oui, c’était cela. .. Les charbonniers exhortèrent les enfants à poursuivre leur descente vers la vallée sans broncher. Surtout ne pas faire de brusques mouvements, ne pas crier ! Hélas le petit Hans, le cadet de la famille, ne sut se contenir et poussa un hurlement strident qui pétrifia sur place hommes et bêtes. Le cri, tout viscéral et minéral, statufia les lynx qui se rétrécirent à la taille de gros chats.

C’est depuis cette rencontre entre le cri d’un enfant terrorisé et des lynx terrassés par son cri que les forêts, les rivières et les sources environnantes portent des noms de chats : Katzenbach, Katzenbrunnen…

Saint Amarin 17/12/2006 Claudine LACAILLE

***

LE PANIER D’OR DE L’HERMITE

 

Le dernier coup de minuit sonnait au clocher de Saint Amarin quand le vieil ermite quitta sa grotte tapissée de branches de sapin et couverte d’un épais tapis de fougères.

Il avait revêtu sa longue robe de cérémonie, toute damassée d’or ; il partit, un panier d’or à la main : il devait apporter aux enfants de la ferme voisine de Vogelbach ses présents de Noël. A ces dix enfants pauvres qui ne connaissaient que les ombres sombres de la forêt et l’unique éclat des perles de la rivière, il avait décidé d’offrir de la lumière, du soleil, du scintillement.

Un angelot l’accompagnait sur le sentier moussu, se tenant à quelques mètres derrière lui. Il l’accompagnait aussi dans son désir de faire lumière ; lui aussi avait revêtu une tunique d’or, ses plumes dorées bruissaient légèrement dans la nuit, il portait à sa ceinture une bourse en mailles dorées et au front un bandeau tissé d’or pailleté. Ils entraînèrent dans leur marche une cohorte de lucioles qui s’évertuèrent à leur faire un chemin de lumière, forçant leur luminosité jusqu’à dorer en chapelets les bords du sentier.

Arrivés à la porte de la ferme, ils déposèrent ensemble le panier d’or contenant quelques rares noisettes, noix et faînes ramassées les semaines passées. Ils ne réveillèrent pas la maisonnée et ne dirent rien de la magie du panier d’or : celui-ci multiplierait à l’envi chaque fruit, chaque petite merveille dénichée dans la nature qu’on y déposerait ; les enfants pourraient ainsi manger à leur faim et s’endormir paisiblement pour rêver.

 

Saint Amarin, 17/12/2006 Claudine LACAILLE

******

LE ROUGE NAIN

Le dernier coup de minuit sonnait au clocher de Saint-Amarin. Un nain rouge courait dans la neige, traînant derrière lui deux nuages perdus qui s’étaient égarés, là, dans la rue de Noël. Une lune immense barrait la paysage silencieux, au nord de l’église St. Martin.

Rouge dans un rayon blanc intense, une araignée énorme surgissait de l’ombre s’apprêtant à dévorer le nain et les nuages.

Alors, depuis le Vogelbach, un grondement brutal se fit. C’était Nix, l’Ondin de la montagne, qui bondissait par la vallée étroite.

Cet être sauvage, incontrôlé, venait parfois pour le bien ou le malheur des hommes, des animaux, des nains.

Là, ce fut sans doute Bel, Belen, le Dieu soleil du Grand Ballon, qui l’avait dépêché.

Nix engloutit l’araignée, et le flot en fut rouge, et la neige rougie, comme de sang.

Le nain avait échappé, lui, à l’engloutissement, propulsé, dès la première lame, sur le clocher de l’église.

Riant, il dégustait le pruneau rouge qu’il avait dans sa poche comme cadeau de Noël , et délivra les deux nuages perdus, vers le ciel, vers le Grand Ballon, pour aller y rêver.

 

Saint-Amarin 17/12/2006 Vincent DECOMBIS

******

LA FILEUSE QUI NE PEUT MOURIR

 

Au pied du Markstein et proche de Saint-Amarin se situe le vallon de Vogelbach. A sa source viennent s’abreuver les oiseaux. En hiver venu, ils se rassemblent près d’un verger appelé « Champ de Dieu » car ce verger fut repris par le ciel à une veuve acariâtre et avare qui fut punie de son cœur de pierre par le Petit Jésus de Noël. Oui, celui-ci lui refusa l’enfant que, toute sa vie, elle avait espéré, au motif que jamais elle ne partagea ses écus. Aucune pitié, aucune empathie, elle avait le cœur sec, la main fermée, les doigts crochus et le sac bourré d’or endormi.

Or, un soir de Noël, l’égoïste fit ripaille comme de coutume, seule, et but son vin chaud avec ses châtaignes grillées. A minuit, la Vierge et l’Enfant Jésus demandèrent asile à la porte de son étable afin de se protéger de l’hiver coupant quand hurlait la bise sur la Large Pierre et la Roche du Loup.

La bougresse leur refusa tout secours, aussi fut-elle transformée en statue et jetée dans l’Isenbach, le ruisseau d’Isis. Le Chasseur Sauvage, le Diable lui-même, brûla son beau logis au Col des Charbonniers. Ne resta que son verger qu’on appela « Champ de Dieu ».

Pommiers, quetschiers, mirabelliers et poiriers y sont plus abondants et plus chargés de fruits chaque automne. Pourtant, chose bien étrange, impossible de cueillir ces fruits splendides, sauf une seule fois, pendant la nuit de Noël et après le dernier coup de minuit au clocher du village. C’est pourquoi les gens, les bêtes attendent Noël à côté du Vogelbach pour remplir leurs corbeilles au « Champ de Dieu ». On raconte même, mais va savoir si cela est vrai, on raconte qu’une nuit de Noël un pauvre, le plus pauvre, le plus petit, le plus méprisé, rejeté du village, trouva une pomme d’or au fond de son panier bien cachée sous plein d’autres fruits. Sais-tu entendre les ricanements de dépit de la vieille au rouet qui traverse le vallon et hurle sur les chemins de l’Epiphanie quand les tempêtes de janvier secouent Sain-Amarin ?

Saint-Amarin 17/12/2006 Françoise MARTIN

***

LE TABOURET AUX GRELOTS BLEUS

 

Le dernier coup de minuit sonnait au clocher de Saint-Amarin quand la source du Vogelbach n’en crut pas ses yeux. Même les oiseaux hérissèrent leurs plumes en apercevant, devinez quoi, un tabouret, un tabouret sauteur, chose bien incroyable. Faut dire qu’il était garni de grelots bleus qu’il faisait sonner à chacun des pas de ses quatre pattes agiles.

Car le tabouret menait sarabande magique, criait, chantait, lançait sa joie pour la belle nuit de Noël. Toujours aussi gai et même peut-être un rien fou, il emprunta un sentier d’aiguilles et de mousse sous les grands sapins bleus. Il rencontra un petit soldat de plomb qui rentrait de bataille fourbu, déçu et si déconvenu revenant de guerre tout mal chaussé, tout mal vêtu, déchiré, blessé, l’âme en berne.

Le tabouret l’interpella : « Eh, que t’arrive-t-il petit soldat de plomb qui va là, à Blaufelsen, pieds nus, triste à mourir ?

  • Las, je reviens de guerre, gémit le petit soldat larmoyant.
  • Mais c’est Noël, réjouis-toi plutôt !
  • Comment faire lorsque tant de douleur, tant de souffrances encombrent ma mémoire ?
  • Qu’à cela ne tienne, je t’offre cette paire de souliers bleus. Enfile-les ! Ils ont pouvoir de rendre force à tous les épuisés, fatigués, boiteux, de la terre ou de la vie. »

Ce qui fut dit fut fait.

Merveille, ce sont deux nouveaux amis qui partirent de concert. Ils rencontrèrent sous les fougères à Jungwald un faon blessé : un chasseur maladroit lui avait cassé une patte arrière.

« Attends-nous ! », lui crièrent-ils.

Afin d’apaiser ses gémissements et sans doute parce que c’était Noël cette nuit là, il reçut à son tour un soulier bleu, qui, à peine enfilé, guérit, grand miracle, la patte malade.

Et trois amis débouchèrent au Mulhausern, derrière Saint-Amarin. Ils arrivèrent heureux, bénis, chantant, juste à l’aube, chez le boulanger, le grand Hans qui sortait de son four ses petits pains dorés, odorants, croustillants à souhait.

Parce que c’était Noël, ce dernier soudain généreux offrit à chacun un merveilleux petit pain, appétissant à en rêver.

Saint-Amarin 17/12/2006 Françoise MARTIN

...

LA FONTAINE AU LEROT

 

Le dernier coup de minuit sonnait au clocher de Saint-Amarin, quand un bossu tout gris allait vers le Vogelbach en tapant sur un petit tonneau vide de couleur grisâtre.

Il longeait, devant une maison, une auge où un lérot mangeait des restes qu’avaient laissés les chèvres blanches d’Anna.

Au loin, la lune éclairait les sapins du Herrenwald et notre bossu rejoignait sa triste demeure, rêvant d’une belle maison .

 

Saint-Amarin 17/12/2006 René

*****
Tous droits réservés selon nos conditions générales...

*

Si ces Contes vous ont fait plaisir, allez vite lire les Contes de Noël d'Odile Kennel dans notre chronique:
CONTES-NOUVELLES-ESSAIS

 

RETOUR AU MENU ATELIERS