« Si vous rencontrez un maître zen sur la route,
Faites-lui face, ni avec des mots ni en silence.
Donnez-lui un uppercut
Et on dira de vous que vous comprenez le zen. »
Tant de papillons
Au crépuscule volettent
Par-dessus les tombes
La nuque des pieuses nonnes
Leur douce trompe l’agace
Crocus dans la neige
Vous m’arrosiez de lumière
Comme un vol d’oiseaux
La peur doucement fuyait
Tout en moi devenait ailes
Quel ange se tait
Qui m’empêche de parler
Quel autre moi-même
Comme la nuit qui s’étend
Le vent sifflant sous les portes
Les bulles de pluie
Ne ressemblent pas aux larmes
Ni au ciel tes yeux
De l’oie sauvage qui crie
Rien n’allège le secret
Cerises pendant
Après ses oreilles roses
Qui court dans les herbes
Quel rêve de Caravage
Quel faune qu’on dirait ange
Je fus papillon
Je luisais parmi les pierres
J’étais amoureux
D’une fille et son cerceau
Un tableau de Chirico
J’ai vu Guillevic
Vieux déjà et décoré
Un jour gris de vent
Il nous chantait ses poèmes
Comme des pas dans la neige
Des fils de lumière
Gluante encollent mes mains
Douceur et sourire
Je me pends à tes cheveux
Je n’atteins pas à l’aurore
Le ciel près de moi
Comme un animal c’est toi
Sans la mer ni rien
Ce que l’on ne peut pas prendre
Le vent alentour la neige
Au miroir des yeux
Ni aux lacets du savoir
Ne se prend l’oiseau
Il chante ce qui s’échappe
Loin de nous comme est le ciel
La flamme qui lutte
Avec le bois vert se tord
Et s’efforce et peine
Mais l’âcre fumée l’enlace
Et de tout son poids l’affaisse
Tu détords la laine
Bleue et croise les aiguilles
Tu n’y penses pas
Yeux mi-clos tu vagabondes
Tu t’envoles sur la mer
Statue étendue
Ce mort que l’on a aimé
Rien ne la distrait
Ni la pluie à la fenêtre
Ni les pas du chat ni rien
Peupliers d’hiver
Vous êtes tout déplumés
Mais vous êtes là
Vos racines vous soutiennent
Dans la mémoire des feuilles
Fruit du chemisier
Le jeune sein à peau fine
Doucement frémit
Comme un fruit parmi des branches
Quand la main veut le cueillir
Là où elle sourd
Parmi le cristal des arbres
L’ombre des mots roule
Soulève comme une neige
Des râles des chuchotis
Près de moi tu dors
Comme la terre en hiver
Captive de l’ombre
Nulle lune ne t’éveille
Loin tu vogues loin de tout
Les dents arrachées
Une à une est-ce par-là
Le chemin vers rien
Abandonnant tous nos rêves
Comme fleurs fanées en terre
Est-ce mon image
Cette poussière partout
Les doigts sur les vitres
Quelque chose du soleil
S’appesantit et s’étire
S’il n’y avait plus
Que des murs parmi des arbres
Les cris des oiseaux
Ta voix en lambeaux en l’air
La terre trouée au vent
Blanc comme la pâte
De son pain le boulanger
Fatigué s’affaire
Il n’entend plus le grillon
Son coeur cloué sous la cendre
Un goût de résine
Un doux vent dans les sapins
Des gamins qui sautent
Tout à coup me vient l’enfance
Comme un oiseau sous les ronces
Sa voix dans l’absence
Claire comme une clochette
En moi comme au loin résonne
Quoi donc s’y accroche
De si loin de si perdu
Où est le poème
Avant qu’il ne soit écrit
Dans quel ciel roulant
Dans quel improbable émoi
Quelle attente de ta voix
Dans l’herbe une pie
Parmi les feuilles jaunies
Quelque ver espère
Ainsi parfois je m’efforce
En quête du plus infime
La clenche du pied
Sous les orages froissés
Doucement s’émeut
Le sombre palais délivre
Ses oiselles sa murène
Ne me cherchez pas
Ni dans les replis du vent
Ni près des fontaines
Je suis au creux des ravines
Brassant de pierres l’écume
Elle est affolée
La mouche dans la bouteille
Ailes en chamade
Ses pattes grattent le verre
Vers là-bas vers le soleil
Rien qui me retienne
Ni en moi ni près des pierres
Le moindre m’emporte
Le vent me tord comme feuille
Comme écume sur la mer
Elles bougent encore
Les ailes du papillon
En lente agonie
Je le regarde attendri
J’écoute battre mon coeur
Les yeux de la mort
Comme ils étaient froids et noirs
Profond leur silence
Comme un vol d’oiseaux de nuit
Mes mains prises dans les draps
Souffrir me suspend
Au soleil à la verdure
Porte mon regard
Là-bas au bout du chemin
Où la brume s’effiloche
Arc-en-ciel au ciel
Les derniers frissons d’orage
S’apaisent et meurent
Parmi les éclairs les ombres
Sa robe au jardin qui vole
Tu viens t’accroupir
Près de la source tarie
Les racines sèches
Tu lèves les yeux au ciel
Vers le soleil vers les branches
Que fais-tu mon âme
Eclats de mots dispersés
En tas comme cendres
Livrée au souffle d’amour
Tu tremblerais comme au vent
Léger comme plume
Dans un pot en terre sèche
Quelque chèvrefeuille
Dans ma mémoire je cherche
Son parfum sa chair d’épice
Les oiseaux s’apaisent
Quand s’agitent les cigales
C’est le plein été
Quelque vipère s’égare
Quelque lézard vers les pierres
La Belle Ô la Belle
Dans un bâillement s’épand
Au prime soleil
Je ne peux les réunir
Ses éclats dans la lumière
Seul face à la mer
J’écoute les goélands
Les vagues le vent
Ils ne parlent pas de moi
Ni la voile au loin qui claque
Mouton violet
La mort broute la prairie
Verte et le soleil
Des apeurements éclatent
Des rires secs sur les berges
Toujours après moi
Loup feutré une ombre blanche
Me poursuit partout
J’essaie à tirer ses traînes
Déchirer ses os sa chair
Ô pauvre poète
Luisant comme pacotille
En vain tu t’escrimes
Le bleu des bleuets te fuit
Au moindre églantier tu saignes